Trop vieille pour m’accroupir?

J’espère que vous passez un très bel été au Québec ou ailleurs.

De mon côté, je passe une partie de mes vacances dans le Vermont en camping. Deux semaines en pleine nature. Sans téléphone ni internet. Génial ! Pour ceux qui me connaissent, je trouve toujours le moyen de me servir de mes expériences personnelles pour nourrir mon enseignement même en vacances.

Claudie Pfeifer.Comme toute bonne campeuse, je dois laver la vaisselle à l’extérieur, à même le sol. Il se trouve que le robinet est assez bas, ce qui m’oblige à me baisser. J’applique ce que j’enseigne pour ne pas me faire mal au dos. Puis je veux m’accroupir pour faciliter le lavage sans trop me mouiller comme font les enfants que je vois jouer sur la plage. Mais à ma grande surprise, je ne sais plus m’accroupir.

Certes, il y a quelques années, j’ai eu mal aux genoux. Par chance, ce manque de mobilité n’était pas causé par un accident ou une pathologie (ménisque abimé ou ligaments croisés déchirés…).

Avec l’aide de l’ostéopathie, de l’acupuncture et d’exercices somatiques, j’ai pu retrouver une fonctionnalité normale dans les genoux. D’une part j’avais pris l’habitude d’éviter la flexion des genoux pour empêcher la douleur, par mesure de protection. D’autre part, je n’étais pas dans une culture où s’accroupir était nécessaire aux tâches de la vie quotidienne. Ainsi j’ai progressivement perdu l’habitude et la fonctionnalité de m’accroupir.

Aujourd’hui, au camping, il faut bien que je la lave cette vaisselle! Comment vais-je m’organiser pour me rendre la tâche confortable?

Puis, tout à coup, j’entends cette petite voix à l’intérieur de moi : « C’est normal d’avoir des articulations un peu rouillées, à mon âge. ». Puis la petite voix assassine me donne le coup de grâce : « Pas drôle de vieillir ! ».

Mais qu’est-ce qui se passe en moi? Est-ce que je me juge où est-ce que j’accepte une évidence? Oui bien sûr je vieillis. Je prends conscience de mes transformations corporelles.

Le fait de ne pas pouvoir m’accroupir, ne devrait pas ternir le plaisir et la joie de savourer la fluidité qui m’habite encore à cette étape de ma vie. Après tout, il n’y a rien de grave là.

Pourtant, quand je sens mes articulations manquer d’huile, me coller des étiquettes négatives à propos de mon vieillissement, ça ne m’aide absolument pas. Cette petite voix critique et assassine me fait rétrécir.

Il se trouve que pendant ces vacances, je suis en train de lire le livre très plaisant de Sherry Ruth Anderson « Ripening time, inside stories for aging with grace ». Après avoir été professeur de psychologie à l’université de Toronto, son enseignement est orienté aujourd’hui vers le développement spirituel. Elle a un intérêt particulier pour l’expérience des femmes et le vieillissement.

J’aime son idée que vieillir, c’est devenir mure comme un bon fruit et continuer un processus vers l’inconnu. À travers ses exemples personnels, elle qualifie ces phrases « Pas drôle de vieillir » ou « c’est parce que je vieillis » comme des étiquettes réductrices qui empêchent de vieillir avec grâce.

Mon enseignement s’appuie sur une vision développementale qui contraste avec une vision plus déterministe du vieillissement associant le processus du vieillissement à l’idée de décrépitude et de catastrophe à éviter à tout prix. Juger négativement son vieillissement diminue l’envie de bouger et affecte l’image de soi-même. Et moins je m’utilise de façon fonctionnelle et plus je vais me limiter (use it or loose it.)

Avec cette vision développementale, je considère le vieillissement corporel comme un processus qui commencerait dès la naissance. À chaque étape de notre vie, il s’agit de prendre conscience de l’aventure de nos transformations avec ouverture et curiosité.  Le développement reste possible jusqu’à la fin de la vie malgré la fragilisation et un ralentissement physique.

Au lieu de regretter le corps de ma jeunesse, je décide de réapprendre ce que j’avais oublié. Je commence à explorer toutes les différentes façons pour m’accroupir sans forcer dans un esprit de découverte et dans le respect de mes limites.

Comme stratégie, j’observe les enfants qui s’accroupissent et j’observe l’ouverture des hanches, la flexibilité des chevilles et des orteils, la souplesse de la colonne vertébrale et de la cage thoracique et leur facilité dans l’insouciance. Je deviens même admirative devant une grenouille. Elle m’inspire à imiter ses sauts dans l’eau. Je me mets donc en mouvement et je commence une exploration guidée par ma nouvelle inspiration.

Au bout de deux semaines, me voici accroupie. Bravo! Mission accomplie!!!

Je me félicite de ne pas m’être abandonnée à l’âgisme.

Claudie Pfeifer

Éducatrice somatique, conférencière,
fondatrice de la méthode Emballons-nous® et certifiée du programme des « os pour la vie®

 

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